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Page:Bertrand - L'appel du sol, 1916.djvu/56

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L’APPEL DU SOL

— La guerre, dit un chasseur, c’est laisser passer le temps.

— Mais nos artilleurs, qu’est-ce qu’ils fichent ? fit un autre. On ne les entend jamais.

— C’est à croire, remarqua le caporal Bégou, que nous n’avons ni artillerie, ni aviation.

Serre, tout en surveillant l’horizon, partageait avec son sergent une boîte de conserves. Jamais le singe n’avait été si bon.

— Il y a beaucoup de gelée, observa le sous-officier.

— Quant aux Boches, répondit le lieutenant, ils crèvent de faim. Un blessé l’a dit hier à l’interprète de la division.

C’est ainsi que des propos futiles s’échangeaient sur le champ de bataille. Ni le vacarme des projectiles, ni le sentiment du danger n’empêchaient ces soldats de manger et de vaquer aux occupations placides de la vie.

Soudain, l’eau de la rivière jaillit. Elle montait en colonnes droites, retombait dans le lit et sur les rives : quelques hommes furent mouillés.

— Ils tirent dans l’eau, déclara Serre joyeusement.