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L’APPEL DU SOL

de ce qu’on disait devant lui, le sergent agrégé voulut-il contredire l’officier :

— Vous oubliez, dit-il, l’assaut à la baïonnette que vous avez commandé.

— Je ne l’oublie pas, répondit le lieutenant, ni votre attitude sublime, mon ami, ni nos sacrifices. C’est même tout cela qui me suggère d’un peu tristes réflexions. Je ne nie pas qu’il y ait un rapport direct entre nos actes et l’avance ou le recul de l’ennemi. Nous venons bien de le voir. C’est même ce qui me réconforte, car chacun de nous, et le plus humble même, est en droit d’avoir ce sentiment que sa peine et que son sacrifice ne sont point vains. Mais, je vous le répète, après notre charge les Allemands n’avaient qu’à revenir pour nous balayer. Ils n’ont pas tenté ce nouvel effort. Et nous avons été grâce à cela victorieux. C’est ici que se place l’intervention du hasard. J’ai chargé, oui. Mais j’ai chargé sans ordres. Je ne sais pourquoi cette idée m’est venue, plutôt que celle de me replier, comme me l’a indiqué plus tard l’état-major. Hasard également. Ainsi, je ne saisis pas la relation qui existe entre les ordres du chef et la victoire ou la défaite.