Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/216

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Elle le regarda bien en face et, avec une nuance sarcastique dans la voix :

« C’est un chrétien, ce fils de centurion !… Je m’étonne que toi, qui l’es aussi, tu parles si dédaigneusement de tes frères !… Et puis qu’importe ! Il est beau, brave, il deviendra tribun, général d’armée ! Il peut même, comme un autre, prétendre à la pourpre. Aujourd’hui, tout soldat est un candidat à l’Empire… Mais à quoi bon tant de discours, puisque je l’aime ?… »

Il ne comprit qu’une chose, c’est qu’elle voulait partir, le quitter au plus vite… Elle rentrait à peine et déjà elle était excédée de vivre auprès de lui. Cette instinctive et inconsciente aversion, qu’il avait devinée si souvent, lui brisait le cœur. En même temps, il s’indignait de l’ingratitude de Birzil. La colère finit par l’emporter. Il lui dit rudement :

« Et si je m’y oppose ?

– Certes, tu le peux ! Tu m’as adoptée sans me demander mon avis. La loi me livre à ta merci. Mais, s’il le faut te le répéter, je n’épouserai personne, ou ce sera celui-là !

– Et si je te déshérite ?…

– Les biens de mes parents me suffiront ! dit-elle avec fierté : je n’ai pas besoin de tes aumônes.

– Malheureuse ! Tu es ruinée !…

– Soit ! Je serai pauvre comme lui ! Nous serons deux pour porter notre pauvreté ! Moi je n’en ai pas peur !

De nouveau, elle le défiait du regard. Cécilius la considérait douloureusement :

« Lélia, dit-il, je t’en supplie : ne me parle pas ainsi ! Si tu savais quelle peine tu me causes !

– Mais enfin, quel droit as-tu sur moi ? Peux-tu bien invoquer les lois romaines, toi qui les foules aux pieds comme chrétien ?… Et puis, il faut que je te le dise : je suis lasse de la sujétion où tu me tiens. Sans cesse, je te rencontre dressé sur mon chemin pour contrarier mes dé-