Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/257

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dence, il conta que le diacre, de sa propre autorité, avait reçu l’évêque Agapius et un prêtre nommé Secundinus, qui venaient de Lambèse, sous la garde d’un officier de police et de deux soldats, pour être jugés à Cirta par les magistrats municipaux. Jacques les avait hébergés pendant trois jours dans le pavillon, en attendant leur tour de comparaître. Ils y avaient tenu une synaxe nocturne à laquelle avaient participé en trop grand nombre des fidèles de la banlieue… Et, comme si cela ne suffisait pas, il avait encore fallu qu’il recueillît des réfugiés, qui fuyaient devant la persécution, des gens de la Byzacène, de la Zeugitane, quelques-uns des villes maritimes. Ils étaient là une centaine environ, arrivés par petits groupes pendant l’absence du maître. Jacques, sans consulter personne, les avait installés dans les granges, les celliers, les pressoirs, et il ne cessait de harceler l’intendant et les esclaves des cuisines, afin d’en obtenir de la nourriture pour les fugitifs…

« Il a fait cela au vu et au su de tout le monde, s’exclama Trophime. Le bruit s’en est répandu jusqu’à Cirta. De là cette invasion de la canaille et ces hurlements !… Entends-tu ?… Ils rugissent comme le fauve qui sent la chair fraîche !

– Ordonne aux esclaves des champs de les disperser ! dit froidement Cécilius. Quant à Jacques, je ne saurais le blâmer. J’entends que ma maison soit ouverte à tous nos frères… D’ailleurs, aujourd’hui, qui peut se vanter d’avoir encore une maison ?… Nos maisons ne sont plus à nous : elles sont à Dieu !

– Oui, maître, oui, sans doute ! concéda Trophime, qui néanmoins s’obstinait. Mais ces réfugiés sont trop nombreux. Nous ne pourrons jamais cacher leur présence dans ton domaine… Viens voir plutôt ! »

Par les jardins et les vignes, il l’emmena vers les habitations des fermiers, à la lisière des champs. La cour intérieure d’une de ces bâtisses agricoles était effectivement encombrée par une foule de pauvres gens, qui, d’un air