Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/279

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le torrent de l’Amsaga, à l’entrée des gorges, tout près de l’endroit où les réfugiés de Muguas avaient été précipités, il se retourna pour considérer les roches encore éclaboussées de sang, où les corps des martyrs étaient venus s’écraser. Un peu plus haut, sur la berge étroite, dans des cuves de maçonnerie quadrangulaires, des foulons piétinaient du linge, comme s’ils s’acharnaient à laver toutes les souillures du massacre. On entendait un fracas d’eaux qui rebondissaient et dévalaient dans les gorges et, sous les voûtes sonores, dans la pénombre du sinistre couloir rocheux, la plainte profonde du gouffre. Cécilius, soulevant sa chaîne dont le poids lui brisait les chevilles, enviait les misérables qui étaient venus mourir là. Eux au moins, ils en avaient fini tout de suite, tandis que lui il s’épouvantait à la pensée de la longue souffrance qu’il lui faudrait endurer. Le cri de Marien pendant sa torture lui montait invinciblement aux lèvres : « Christ aide-moi ! » Et il se répétait : « La mort n’est rien ! La chose horrible, c’est cette douleur sans trêve et sans limite ! Ah ! puissé-je résister jusqu’au bout !… »