Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/29

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arides, cette forêt de Thagaste était un enchantement. Ils s’émerveillaient de cette luxuriance, de ces verdures gonflées de sève, de ce murmure perpétuel des eaux courantes…

« Tio, tio, tio, tiotinn’x ! »

À travers les branches, la flûte invisible du rossignol continuait à découper ses mélodies éblouissantes et capricieuses. Ivre de crépuscule autant que la cigale de soleil, la voix de l’oiseau d’or, filtrant sous les ramures, était fraîche comme une source au clair de lune. Cyprien écoutait toujours.

Puis, soudain, au détour d’un fourré, on fut sur un grand plateau dénudé, un herbage au sol inégal et montueux, où des vapeurs naissantes commençaient à ramper dans les lointains. Des vaches rentraient à l’étable, talonnées par des pasteurs, qui brandissaient des bâtons. Il allait faire nuit bientôt. Le soleil, derrière les montagnes de l’Aurès, n’était plus qu’un disque rouge, dont on apercevait à peine le sommet. Dans l’herbe haute de la prairie, les genêts vermeils brillaient, comme des candélabres d’or aux branches innombrables, tandis que les asphodèles, avec leurs tiges longues et minces, leurs petites corolles d’un rose pâle, se détachaient, dans l’air léger, pareils à de sveltes chandeliers. Des pourpres traînaient au couchant ; vers l’Est, des cônes vaporeux s’effaçaient peu à peu dans un ciel violet. Comme halluciné par une Présence surnaturelle, l’évêque tenait ses yeux fixés sur les montagnes du couchant. Tel un fleuve céleste épanché en ruisseaux de diamant sur la cime des monts, une bordure cristalline ondulait derrière les crêtes toutes noires, qui se découpaient avec une netteté un peu dure sur les rougeurs crépusculaires…

Cyprien cherchait encore un symbole derrière ces formes et ces couleurs extraordinairement splendides, lorsqu’il aperçut, à l’extrémité de la prairie, un homme qui venait vers eux. C’était Jader accouru au-devant du maître. Il avait fait établir le campement à une assez