Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/299

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des serfs des domaines impériaux dont on châtiait la fuite par un séjour plus ou moins prolongé dans la mine. Presque tous venaient de Fussala, dans la région d’Hippone, où Cécilius avait possédé lui-même d’immenses fundi. Émergeant un peu de cette cohue, se distinguant par une moindre grossièreté, voire par des prétentions à la culture et à l’élégance, il s’y rencontrait aussi quelques condamnés de l’Attique qui étaient venus s’échouer à Sigus après avoir traversé toutes les exploitations d’Espagne et d’Afrique : un individu de Décélie, ancien contremaître dans les mines d’argent du Laurium, condamné pour vol aux dépens du fisc ; un orfèvre de Chalcis qui avait dérobé une coupe d’or dans le temple des Grâces, à Orchomène ; un laboureur de Mégare, meurtrier par avarice d’un de ses proches parents. Il y avait enfin un juif d’Alexandrie accusé d’avoir fabriqué de la fausse monnaie et qui ne cessait de déclamer contre la rapacité ou l’idolâtrie des magistrats romains. Tous ces prisonniers peinaient sous la trique d’un contremaître asiatique, un Carien d’Halicarnasse, nommé Pamphile. En général, c’étaient des gens âgés ou très jeunes, impropres à un labeur compliqué ou trop pénible. On les employait à charger des voiturettes, ou à entasser les blocs que les mineurs abattaient dans les tranchées voisines.

Ce qui étonna le plus Cécilius, ce fut de supporter malgré tout cette vie nouvelle. Il était obligé de ramper continuellement pour aller remplir des couffes derrière les travailleurs au fur et à mesure de l’abattage, parmi des poussières aveuglantes, des avalanches de sables qui s’écroulaient. L’asphyxie des lampes et des torches résineuses rendait plus intolérable cet étouffement des boyaux resserrés et sans air. Les poitrines s’arrachaient sous la toux, la toux inguérissable et invétérée des mineurs. Et à chaque instant, des explosions ensevelissaient sous les décombres des contingents entiers, ou bien on s’évanouissait, à demi empoisonnés par des exhalaisons de substances délétères. Mais le pire, c’était après la tâche