Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

– Elle écarte la corde pour passer !

– Comme elle s’agite ! comme elle est impérieuse !

– Elle s’élance vers nous ! Elle se précipite… » Et, tout à coup, un cri déchirant retentit aux oreilles du martyr :

« Père ! père ! c’est moi ! »

Ce cri, Cécilius l’aurait reconnu dans la rumeur assourdissante d’une multitude : il l’attendait depuis si longtemps ! Le front rayonnant sous le bandeau qui l’aveuglait, il redressa la tête et, son cou décharné comme rompu par une violence de tendresse surhumaine, il lança, tout éperdu :

« Birzil ! Birzil !… mon enfant ! »

Puis son visage retomba vers la terre, et il dit encore à voix haute, — une voix qui tremblait de joie et d’adoration, et qui s’entendit de l’autre côté de la berge :

« Louange à Dieu ! »

Mucapor s’approchait, sa lame élevée en l’air et resplendissante comme un soleil. Il allait passer le long de la file, tel un faucheur qui abat des javelles dans un champ. Cécilius, sentant son approche, se baissa davantage, en tendant le cou convulsivement. Le glaive tournoya, plongea, rebondit aussitôt, en éparpillant dans l’air une pluie de gouttelettes vermeilles…

Le sacrifice était consommé.

Mais, soulevés d’horreur et d’enthousiasme à la vue du premier sang versé, les chrétiens qui étaient là se levèrent frémissants sur le gazon des berges et se mirent à acclamer le martyr. Dominant les vociférations de la foule exaspérée, une clameur triomphale montait vers le ciel de toutes les pentes du vallon :

« Louange !… Louange à Dieu !… »

FIN