Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/40

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L’homme tira d’un petit sac de cuir des tablettes grossières, comme en ont les intendants pour inscrire leurs comptes, et il les tendit à Cyprien :

« Je te remercie de ta fidélité ! » dit celui-ci.

Et, ayant frappé dans ses mains, pour appeler Célérinus, son secrétaire, il ajouta :

« Donne un auréus à cet homme et reconduis-le auprès de Nartzal ! »

Les tablettes étaient scellées d’un sceau de plomb. Cyprien fit sauter le cachet du bout de son style, et il lut ces mots tracés péniblement dans la cire, comme avec la pointe d’un gros clou :

« AU BIENHEUREUX PAPE CYPRIEN, PRIVATIANUS, L’EXORCISTE, BARIC, LE CISELEUR, ET GUDDEN, LE CORDONNIER, QUI SONT DANS LES MINES DE SIGUS, SALUT ÉTERNEL DANS LE SEIGNEUR DES SEIGNEURS.

« Nous te saluons, Père bien-aimé, et nous crions vers toi du fond de cet enfer de Sigus, où nous sommes plongés depuis si longtemps que le monde et Dieu lui-même paraissent nous avoir oubliés. Vivant dans des ténèbres perpétuelles, il n’y a plus pour nous ni jour ni nuit, et nous ne savons plus depuis combien d’années dure notre martyre. Nous espérions obtenir la couronne avec nos autres frères qui, tout de suite, sont morts dans cette géhenne, mais, pour notre malheur, Dieu ne l’a pas permis.

« Père bien-aimé, nous sommes à bout de force et de patience. Nous ne voulons pas rester plus longtemps dans ce lieu de torture, qui est aussi un lieu de perdition. C’est un cloaque impur, la sentine de tous les vices. Nous voulons bien mourir, mais nous ne voulons pas perdre nos âmes. Des choses graves se préparent ici. Les misérables condamnés, dont nous partageons les souffrances, murmurent entre eux et prononcent des paroles de révolte. Or, nous sommes les soldats du Christ, mais non point des séditieux. Nous t’en supplions, cher Cyprien, envoie-nous quelqu’un de tes