Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/53

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trouvaient dans une salle en rotonde, contiguë à l’atrium, et peinte en pourpre jusqu’à la frise. Au centre, sur une table de bronze, une horloge hydraulique étageait ses vases et ses tubes de cristal. De part et d’autre, des sièges et des pupitres étaient disposés.

« Ce sera le bureau de vos secrétaires et de vos sténographes, » dit le maître du logis avec une négligence affectée.

Au même moment, une sorte de sifflement modulé de l’horloge annonça la troisième heure. Un peu impatienté par l’attitude de son ami, Natalis s’en irrita :

« C’est absurde, cette machine qui siffle ! »

Puis il ajouta, d’un air dégagé :

« Que veux-tu ? mon père avait le goût de ces babioles… »

Sur cette phrase, en apparence indifférente, ils se séparèrent : Célérinus venait annoncer à l’évêque qu’un prêtre du clergé de Cirta l’attendait dans son appartement. L’un et l’autre, en se quittant, refoulaient des paroles qui leur montaient aux lèvres, Cyprien par charité, Natalis par une gêne qui venait du trouble de sa conscience. Ils le sentaient : l’accord était rompu entre leurs pensées, et cependant, à travers ces contrariétés passagères, ils éprouvaient tous deux un ardent désir de resserrer au moins l’union de leurs âmes.


L’heure de la méridienne les rassembla de nouveau. Le repas avait été préparé dans le grand triclinium qui faisait suite aux salles de réception et de conversation. Quand Cécilius venait à Cirta pendant l’été, c’était son habitude de manger là, non point par goût du faste, mais parce que la pièce, très haute et très spacieuse, était fraîche à toutes les heures du jour et que c’était la seule de toute la villa dont la décoration lui plût.

Dans le fond, trois portes à deux battants s’ouvraient sur les allées ombreuses du jardin, et, de chaque côté, des baies et des fenêtres très larges encadraient des massifs d’arbres et d’arbustes aux frondaisons épaisses.