Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/85

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sauge, de la sarriette, du thym, du romarin, tous les parfums des champs et du potager… enfin des perdrix rôties, prises par mes chasseurs et engraissées dans ma cave…

– Mais c’est un repas de prêtres saliens ! » dit, en riant, Cécilius, qu’amusaient les mines affriolées du vieillard.

Aussitôt il ajouta :

« Abondance et délicatesse, je suis sûr que tout sera parfait. On connaît ta gourmandise raffinée.

– Une gourmandise de campagnard, qui se satisfait de peu ! »

Avec son gros nez recourbé, ses grosses lèvres rouges et luisantes, Martialis ressemblait au Maccus des antiques atellanes. Cependant l’élégance de ses gestes contrastait avec la vulgarité apparente de sa personne. Cécilius le regardait manier d’une main légère et complaisante, une main voluptueuse d’amateur, la menue vaisselle qui chargeait la table et qui, comme le maître du logis, n’offrait rien que de rustique au premier coup d’œil. C’étaient des coupes et des fioles de terre cuite. Elles semblaient d’abord rugueuses et ternes, et pour peu qu’on les examinât, elles révélaient des colorations originales et discrètes, des tons passés de fruits mûrs, des verts sombres ou des violets dorés de prunes vertes ou d’aubergines, avec des formes inattendues de végétaux bulbeux et de coquillages.

Cet étalage de pièces rares dénotait un certain apprêt, un désir de flatter les yeux exigeants de l’hôte. Tout de suite Cécilius soupçonna que Martialis avait eu d’autres intentions, en l’invitant, que de l’entretenir du légat de Lambèse. Cela fit qu’il demanda brusquement au vieillard :

« Et Manus, ton fils ?

– Toujours à Cirta, où il plaide du matin au soir, — fanatique du barreau et se plaignant de la surcharge des affaires… Ah ! je voudrais bien le marier ! Mais il est tellement austère et farouche !… Seule, une femme de haute vertu…