Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/84

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vieillard, en introduisant son hôte dans la salle à manger.

Cette salle, assez exiguë et simplement stuquée, était agréable à l’œil, avec ses peintures murales qui représentaient des natures mortes. Les motifs, très ordinaires, se trouvaient charmants à force de naïveté. Ce n’était rien : un cédrat posé sur une planche à côté d’une pêche verte entamée et laissant voir le noyau par un trou fait au couteau, — quelques amandes fraîches, fendues et montrant leur pulpe, un vase de cristal à demi rempli d’eau. À droite, par une triple arcature surbaissée, on apercevait un cubiculum, à la fois salle de repos et salle de lecture, et, tout au fond, une fresque poussiéreuse et à demi effacée, où l’on devinait encore la figure consacrée de Virgile assis entre la muse des Églogues et celle des Géorgiques.

« Philosophi locus ! dit Cécilius, en montrant la fresque et le cubiculum : c’est le vrai coin du philosophe.

– Tu me flattes, mon cher ! Je ne suis pas plus philosophe que sénateur : tout au plus du troupeau d’Épicure… Mais si tu veux bien prendre place… »

Et le vieillard désignait le lit en maçonnerie grossière mal dissimulé sous des coussins et des tapis d’Alexandrie, comme en ont les conducteurs de caravanes. La table, toute petite, également en brique et passée à la chaux, s’arrondissait entre les branches du lit minuscule, où l’on ne pouvait tenir qu’à trois personnes. Dès qu’ils se furent installés, Martialis, avec une gravité toute sénatoriale, prononça :

« Afin de ne pas tromper ton appétit, je vais t’énumérer les plats du festin… Ce sera bientôt fait. Ah ! il est frugal, il est laconien, le déjeuner de ma fermière !… D’abord tu auras des œufs frais, cuits sous la cendre du foyer, puis une saucisse numide, fille d’une truie de Milève ; après cela, des boulettes de pultis enveloppées de feuilles de vigne et arrosées d’une sauce merveilleuse, dont une de mes esclaves maurétaniennes a le secret, où il entre toute espèce d’herbes aromatiques, de la