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Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/109

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le débutant

Il était plus de six heures. Paul Mirot ne se le fit pas répéter deux fois. Il sauta dans le premier tramway qui passa et, vingt minutes plus tard, il arrivait chez madame Laperle.

Au lieu de lui faire joyeux accueil, comme d’habitude, Simone lui dit d’un ton plutôt froid :

— Je ne vous attendais plus.

Ils allèrent s’asseoir à la place accoutumée. La froideur de cette réception avait empêché le jeune homme d’expliquer tout de suite la cause de son retard. Lorsqu’il voulut parler, elle ne lui en donna pas le temps. Elle l’entretint de banalités : de sa couturière qui devait lui apporter une robe, de la température qui semblait s’adoucir, de la lune dans son plein, du carême qui approchait. Il en était navré, mais par un sentiment d’orgueil enfantin, il s’efforça de dissimuler sa peine. Ayant épuisé tous les sujets de conversation, qui permettent de parler sans rien dire, Simone se tût et un silence menaçant suivit :

Le pauvre garçon ne savait plus quelle contenance prendre. Il n’osait parler, de crainte qu’un mot maladroit ne vint aggraver la situation ; il n’osait s’approcher d’elle, non plus, pour ne pas s’exposer à une rebuffade. Si c’était leur dernière entrevue ? Alors, tout le bonheur à venir, qu’il avait escompté d’avance, s’évanouirait à la minute précise où il sentirait de nouveau le froid de la rue le souffleter au visage.

Elle fit un mouvement pour se lever, en disant :

— Maintenant, mon cher, je suis obligée de vous prier de vous en aller. L’heure avance et j’attends quelqu’un.

— D’un élan bien de son âge, il la retint, et comme s’il eut épuisé toutes ses forces dans cet effort, il desserra aussitôt son étreinte et, la tête dans ses mains, un sanglot remonta de sa poitrine oppressée. Elle en

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