Aller au contenu

Page:Bessette - Le débutant, 1914.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le débutant

joindre son ameureux, mais c’était ben drôle. Paul ne put résister à l’envie de savoir et regarda par le trou. Ce qu’il vit, il ne le dit jamais. On entendit un cri étouffé dans la gorge, et il s’affaissa inanimé. On le releva, on le porta à son pupitre et il ouvrit les yeux, étonné de se voir entouré de ses petits camarades. L’institutrice, revenue dans la classe, une demi heure plus tard, quelque peu décoiffée et les joues en feu, ne vit rien, ne comprit rien quand on lui apprit que le petit Mirot avait eu une faiblesse, et sans interroger l’enfant, se contenta de le faire conduire chez l’oncle Batèche.

Le lendemain, Paul n’osait lever les yeux sur l’institutrice. À chaque fois qu’elle l’interrogeait, il répondait sans la regarder. Aux heures de récréation, il se tint à l’écart. Il fut triste toute la journée. Mademoiselle Jobin finit par remarquer l’attitude morose de l’enfant et, après la classe, voulut le retenir pour le faire parler ; mais, comme elle lui caressait la joue, de sa jolie main de belle fille, il rougit, se rejeta en arrière et avant qu’elle eût eu le temps de se remettre de sa surprise, il se sauva par la porte ouverte.

Les jours suivants, elle essaya de pénétrer le mystère de cette âme enfantine, mais Paul se dérobait à ses questions comme à ses caresses. L’examen approchait, il fallait pourtant l’amadouer. C’était son meilleur élève et le seul capable de lire convenablement l’adresse au curé et aux commissaires d’écoles.

Maintenant qu’elle avait perdu tout son empire sur lui, comment ferait-elle pour l’amener à accomplir un acte qu’il exécutait toujours avec répugnance ? Comme elle s’y attendait, le petit homme refusa de lire l’adresse au prochain examen. Après avoir épuisé tous les moyens de persuasion possibles, l’institutrice se rendit chez l’oncle Batèche, qui était absent. Elle fut

14