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le débutant

deux amis allèrent causer à l’écart. Ils avaient trop de choses à se dire, ils ne savaient plus par quel bout commencer. Ils s’entretinrent pendant quelques instants de propos indifférents. Puis, ils attaquèrent la grosse question de l’avenir, que l’on résout toujours à son avantage quand on a vingt ans. Jacques Vaillant apprit à Paul Mirot qu’il fondait de grandes espérances sur ses succès futurs dans le journalisme. Son père désirait lui faire étudier le droit, mais des avocats il y en avait déjà trop, il en connaissait qui crevaient de faim ; tandis que des journalistes sérieux, savants, aussi sincères dans l’expression de leurs opinions que redoutables par la puissance de leur plume, on n’en découvrait pas encore au Canada.

Paul Mirot l’interrompit pour lui poser une de ces questions inutiles mais qui témoignent d’un intérêt profond :

— Ainsi, le journalisme te plaît beaucoup ?

— Oh ! énormément,

— Tu écris des articles ?

— Pas encore. Je me forme, j’apprends le métier en rédigeant des faits-divers. Mais ça viendra… Et toi, que comptes-tu faire ?

— Je ne sais pas. Un jour je pense à une chose, le lendemain à une autre. Je suis un peu comme la fille du voisin qui a deux amoureux : elle ne se marie pas parce qu’elle ne sait lequel prendre. L’un est blond, l’autre brun, elle admire le blond pour sa gentillesse, et le brun parce qu’il a l’air plus vigoureux.

— Tu avais toujours le premier prix de composition au collège, malgré tes mauvaises notes. Je parie que tu ferais un fameux écrivain, en passant par le journalisme. Et nous travaillerions ensemble…

— Ce serait charmant.

— Alors, si je te proposais la chose ?

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