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le débutant


ii

UN DÉBUT DANS LE JOURNALISME




Ce matin-là, Marcel Lebon n’était pas content, et quand il était de mauvaise humeur il ne faisait pas bon d’aller frapper à la porte de son cabinet de travail. Non pas que ce fut un méchant homme, que le directeur du Populiste, au contraire, on le savait obligeant et aimable à ses heures, pour ses subordonnés. Mais les tracasseries du métier le mettaient souvent hors de lui-même, et dans ces moments de crise il fallait le laisser tranquille. La veille au soir, au Club Canadien, le ministre Troussebelle, revenant de Québec, l’avait blâmé, devant ses amis, à propos de son article sur les amendements à la loi électorale. Il connaissait pourtant de longue date, la tyrannie des hommes politiques influents, puisque par sa soumission aux chefs de son parti, par sa plume mise au service du gouvernement au pouvoir, qu’il défendait, du reste, avec beaucoup de talent, il en était arrivé, après des années d’obscur labeur et de misère, à occuper une situation en évidence dans le journalisme montréalais, avec des appointements qui lui permettaient de jouir enfin de la vie élégante et mondaine. Mais, plus il se sentait utile et bien en vue, plus il devenait sensible à la critique. C’est pourquoi il lui eut été agréable de traiter l’honorable Troussebelle de vieux fumiste, au lieu d’avaler, en dissimulant une grimace, la pilule amère qu’il lui avait apportée du conseil des ministres provinciaux. S’il résista à la

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