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le débutant

tentation, c’est qu’il minutait une disgrâce qui l’eut rejeté dans l’ombre, d’où il avait eu tant de mal à sortir. Il savait, par expérience, qu’il existe en ce pays deux puissances redoutables contre lesquelles il est bien difficile de regimber, étant donné la fausse éducation du peuple en matière de justice et de liberté : le fanatisme politique et le préjugé religieux. Cette pilule, il l’avait sur le cœur, avec tant d’autres, et pour se soulager, il s’était enfermé dans son cabinet où il marchait à grands pas, envoyant la politique et les politiciens à tous les diables.

On frappa à sa porte d’un poing vigoureux. C’était, le prote qui venait lui demander de la copie. Marcel Lebon le reçut à rebrousse poil, et après lui avoir remis une liasse de feuillets griffonnés au crayon, il le congédia d’un : Fichez-moi la paix ! qui ne laissait aucun doute sur son état d’esprit. En sortant, le chef d’atelier se trouva face à face avec un jeune homme à l’air timide, qui lui demanda si c’était bien là le cabinet de travail de monsieur le directeur du Populiste. Il arrivait au moment opportun, ce jeune homme ; s’il avait un article à faire passer, on lui apprendrait, et de bonne façon, à écrire des sottises. Le prote, voulant se payer cet amusant spectacle, lui répondit :

— Parfaitement. Entrez donc ; ne vous gênez pas.

Le brave homme en resta pour ses frais de politesse, car le jeune homme ne fut pas dévoré par monsieur le directeur qui, devant cette figure sympathique et intelligente, se montra plus aimable. Il prit place dans son fauteuil, invita le visiteur matinal à s’asseoir et à lui exposer le motif de sa visite.

Pour toute réponse, le jeune homme lui remit une lettre à son adresse.

À mesure qu’il lisait cette lettre, Marcel Lebon re-

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