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le débutant

On se sépara les meilleurs amis du monde. Le lendemain, Paul Mirot, qui avait élu domicile dans une maison meublée de la rue Dorchester, commençait son apprentissage de journaliste avec un salaire des plus modestes.

Quand il arriva au Populiste, son ami Jacques, revenu le matin même de Sainte-Marie Immaculée, penché sur son pupitre, dans un coin, au fond de la salle de rédaction, se hâtait de terminer son compte-rendu de la bénédiction d’une chapelle, qui avait eu lieu la veille dans un village de colons du Nord. Conformément aux instructions qu’il avait reçues, dans un style approprié à la circonstance, il délayait au crayon, sur d’innombrables feuillets de copie, les épithètes ronflantes, les mots à mille pattes, composant des phrases filandreuses, pleines d’onction et d’encens. Parfois, il s’arrêtait d’écrire pour se gratter la jambe. Marcel Lebon ne s’était pas trompé, les puces de cette région à demi sauvage avaient fait à « l’envoyé spécial du Populiste, » l’honneur de l’accompagner jusque dans la métropole.

Paul Mirot l’aperçut, aussitôt, et s’empressa d’aller le surprendre à son travail. Il reçut de Vaillant l’accueil le plus chaleureux :

— Comment, c’est toi !… Te voilà enfin !… Ça c’est une bonne idée… Tu vas voir comme tout ira bien. Seulement, je ne te souhaite pas le voyage à Sainte-Marie Immaculée. Quel pays, mon cher ! Rien à manger, rien à boire, mais des puces et des indulgences tant qu’on en veut. Les hommes sont ignorants et sales, les femmes tristes et farouches, et des enfants à la douzaine, tout bar-

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