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le débutant

bouillés, en guenilles, se culbutant, au milieu des volailles et des cochons.

Ainsi, tu m’approuves quand même d’être venu ?

Je t’applaudis à deux mains.

Je t’avoue que j’ai été sur le point de retourner là-bas, à Mamelmont. Ce que m’a dit ton directeur m’avait tellement découragé…

Bah ! des bêtises, sans doute. C’est un homme qui n’est jamais content.

À propos, connais-tu un reporter de L’Éteignoir, du nom de Solyme Lafarce ?

Comment, est-ce qu’il t’aurait déjà induit à lui payer la traite ?

Et lorsque Paul Mirot lui eut raconté sa conversation de la veille avec le fameux reporter, il s’amusa beaucoup de sa naïveté. Il s’était fait rouler par ce parasite, vivant d’expédients, exploitant tous les naïfs qu’il rencontrait. Ce brigand du journalisme avait fait tous les journaux, où on l’employait à des besognes ingrates. Quand il crevait de faim, dans les bureaux de rédaction on passait le chapeau pour lui venir en aide. Quelques maisons de commerce lui donnaient de temps à autre de la traduction à faire, des pamphlets-réclame à rédiger ; ou bien il devenait, durant quelques semaines, agent pour une troupe de saltimbanques en tournée, pour un cirque de troisième ordre, et il avait d’autres moyens d’existence plus louches encore. À son début dans le journalisme, Solyme Lafarce fit preuve d’un réel talent. Malheureusement, il tomba bientôt dans l’ivrognerie et la plus crapuleuse débauche, ce qui lui fit perdre du même coup l’estime de ses camarades et la confiance de ses chefs. Et comme son ami paraissait attristé de tout ce qu’il venait d’entendre sur le compte d’un individu qui lui en avait tout de même imposé un instant, Jacques

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