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HENRY BATAILLE

Temps des romances, temps naïfs.
Quand les amants aux cimetières
S’en allaient pleurer sous les ifs…
Qui donc remettra vos parures
Et vos bouquets abandonnés,
Ô langoureuses créatures,
Portraits aux cadres écornés ?
Quand reverrons-nous, près des tables
Où veillaient les jeunes rêveurs,
Les amoureuses charitables
Prier tous bas avec ferveur ?…
Ô jadis ! douces nuits de mai…
Ô temps des longues diligences…
Des dames en cabriolet…
Je suis né tard et sans croyances,
Voici la pluie avec le vent…
J’entends hurler la cheminée.
Comme une sorcière avinée,
Et s’égoutter l’eau sur l’auvent.

(La Chambre blanche. Fasquelle.)

LES SOUVENIRS

Les souvenirs, ce sont des chambres sans serrures,
Des chambres vides où l’on n’ose plus entrer,
Parce que de vieux parents jadis y moururent.
On vit dans la maison où sont ces chambres closes…
On sait qu’elles sont là comme à leur habitude,
Et c’est la chambre bleue et c’est la chambre rose…
La maison se remplit ainsi de solitude,
Et l’on y continue à vivre en souriant…
J’accueille quand il veut le souvenir qui passe.
Je lui dis : « Mets-toi là… Je reviendrai te voir… »
Je sais toute ma vie qu’il est bien à sa place,
Mais j’oublie quelquefois de revenir le voir. —
Ils sont ainsi beaucoup dans la vieille demeure.
Ils se sont résignés à ce qu’on les oublie,
Et si je ne viens pas ce soir ni tout à l’heure,