Page:Bever-Léautaud - Poètes d’aujourd’hui, I, 1918.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
HENRY BATAILLE

Les chiens maigres et plats étendus sur le sable…
Le bruit dans les massifs des grands rhododendrons…
Ces poussières d’amour que nous ramasserons,
Et tous nos bons regrets assis à notre table…
Je vous retrouverai le soir d’une journée, —
Les étoiles du champ viendront à la veillée,
Et vous me laisserez pleurer, sur vos genoux.

Nous entendrons le vent s’endormir dans les arbres ; —
Puis je regarderai mes deux mains apaisées,
Sous le clair silence du vieil abat-jour vert…
Peut-être-un souffle triste ouvrira la croisée…
On entendra passer les longs chemins de fer…
Et la lune ne sera pas encor levée. —
Pauvre petite vieille enfance retrouvée,
Ce sera comme si je n’avais pas souffert…
Pas souffert ? est-ce vrai ? nous n’avons pas pleuré,
Pas souffert ? oh ! répète-le, ma grise amie, —
Et vienne ce beau soir que j’évoque à mon gré,
Où nous caresserons nos lèvres endormies…
Ce soir-là, ce soir-là, je saurai bien des choses…
Je ne te plaindrai plus de n’avoir pas de roses…
Je comprendrai la joie du phalène qui meurt…

Alors nous éteindrons la lampe avec douceur.

(La Chambre blanche. Fasquelle.)

DIALOGUE DE RENTRÉE


Avant d’entrer, assieds-toi là, sur cette malle.
N’importe où… oui, là… que nous nous regardions
Pour la première fois dans les yeux. Qui es-tu ?
Que peux-tu être ? d’où me viens-tu,
Avec ce grand visage pâle ?
Je n’avais jamais vu tes yeux dans toute leur étendue.
Comme ils sont grands ! Oh ! qui es-tu,
Toi qui viens m’apporter la chaleur de ces mains ?