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Page:Bever-Léautaud - Poètes d’aujourd’hui, I, 1918.djvu/44

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Sur eux Dieu purge ses colères !…
— Le pasteur de Sainte-Anne est gras. —

Mais une note pantelante.
Echo grelottant dans le vent,
Vient battre la rumeur bêlante
De ce purgatoire ambulant.

Une forme humaine qui beugle
Contre le calvaire se lient ;
C’est comme un moitié d’aveugle :
Elle est borgne et n’a pas de chien…

C’est une rapsode foraine
Qui donne aux gens pour un liard
L’Istoyre de la Magdalayne,
Du Juif Errant ou d’Abaylar.

Elle haie comme une plainte.
Comme une plainte de la faim.
Et, longue comme un jour sans pain,
Lamentablement, sa complainte…

— Ça chante comme ça respire,
Triste oiseau sans plume et sans nid
Vaguant où son instinct l’attire :
Autour des Bon-Dieu de granit…

Ça peut parler aussi, sans doute.
Ça peut penser comme ça voit :
Toujours devant soi la grand’route…
— Et, quand c’a deux sous, ça les boit.

— Femme : on dirait, hélas ! — sa nippe
Lui pend, ficelée en jupon ;
Sa dent noire serre une pipe
Eteinte… — Oh, la vie a du bon ! —

Sou nom… ça se nomme Misère.
Ça s’est trouvé ni par hasard.