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igO POÈTES d’aujourd’hui

Parmi des clous, entre deux loups à face humaine. Pantelant ainsi qu’un quartier de venaison Agonise l’Agneau déchiré par la haine, Celui-là qui donnait son âme et sa maison.

Jésus bêle un pardon suprême en la tempête Où ses os tracassés crissent comme un essieu, Cependant que le sang qui pleure de sa tête Emperle de corail sa souffrance de Dieu.

Dans le ravin, Judas, crapaud drapé de toiles, Balance ses remords sous un arbre indulgent, — Et l’on dit que là-haut sont mortes les étoiles Pour ne plus ressembler à des pièces d’argent.

1884.

{Anciennetés.)

LE PÈLERINAGE DE SAINTE-ANNE

A Mme Sarah Bernhardt.

Les cinq Gars de faïence, à la peau de falaise, aux yeux couleur d’océan qui s’apaise, vont, bras-dessus, vers la chapelle peinte où, vieille ment jolie, sourit la bonne Sainte.

Mises dimanche ment, emparfumées de marjolaine, bras-dessous les accompagnent les cinq Promises de porcelaine mignonnes comme des joujoux et dont la joue rayonne ainsi qu’une pomme d’api, — car ils reviennent des baleines, des lugubres baleines aux vilaines bouches, les salubres marins destinés à leurs couches.

Donc la guirlande juvénile vers Sainte-Anne marche, à travers la lande puérile, les lins et les moulins, les ruches, le blé noir, les meules, les manoirs, les clochers de pain bis, les vaches, les brebis et les chèvres bêlant à la manière des aïeules.

Et, l’âme vive, l’on arrive à la chapelle peinte où, vieille ment jolie, sourit la bonne Sainte.

Viennent offrir, les fils des vagues, leur offrande, viennent offrir à la Marraine aux fins yeux d’algue, à la Marraine des marins, qui, les sauvant des loups gloutons du vent noroît.