Heure brillante, elle est la sœur de la lumière.
C’est elle qui pétrit les hommes de soleil
Et qui, dans sa bonté, glisse sous leur paupière,
Au plein du jour, la fleur vivace du sommeil.
Elle est aux animaux la puissance inconnue
Qui les couche et leur met des songes dans les yeux ;
Elle aime aussi le chêne où la brise est venue
S’endormir au milieu des nids silencieux.
Mais sa fuite entre ses compagnes est rapide
Si l’ombre qui la suit de toute éternité
Apparaît et lui montre, au bord du pré limpide,
L’image sombre du grand chêne reflété.
{Les Élévations poétiques.)
HYMNE A LA TRISTESSE
Coupe d’ombre, à tes bords embaumés de vin noir,
Dans ma jeunesse ardente et soumise à la joie
Je n’ai pas bu souvent !
J’attendrai que mon âge, à son automne, ploie
Pareil aux arbres dont les branches dans le soir
Gémissent sous le vent !
J’attendrai que ma vie à la terre enlacée
Détourne mes regards mourants de la beauté.
Leur amante immortelle !
Et que des passions, plus rouges que l’été,
Aient assailli longtemps mon âme et l’aient blessée
De leur flamme cruelle !
Hier dans la splendeur des monts immaculés
Qui reflétaient pour moi les couleurs de l’aurore
Et les étoiles d’or,
Ô tristesse qui viens sans que l’homme t’implore
Tu me donnas, mes yeux d’exil étant voilés
Le désir de la mort !