Page:Bever-Léautaud - Poètes d’aujourd’hui, II, 1918.djvu/253

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Délivré maintenant des monts de servitude
Où la trompette effarouchait les bois sacrés.
             Tristesse, coupe d’ombre,
Et pressé par les bras de l’amour adorés
Daigne répandre, loin de notre solitude,
             Les flots de ton vin sombre !



La femme se dérobe au cœur qu’elle a séduit
Et j’ai vu qu’un hiver faisait danser les feuilles
             Dans les soleils couchants !
Mais le bonheur, sous les mensonges, tu le cueilles
Et la clarté sur le sein même de la nuit,
             Ô jeunesse des ans !

Et tu ris de la nuit, de l’ombre et du silence,
De l’hiver qui moissonne tout dans la forêt
             De sa bise tranchante,
Tu ris des trahisons quand l’amour reparaît
Aux profondeurs des yeux d’où son charme s’élance
             Comme une source chante !



Ce soir, pourtant, le ciel confondu dans les eaux,
La chute du soleil parmi sa propre cendre
             Et le poids de mon cœur
Ont approché la coupe d’ombre et fait descendre
Au fond de moi l’effroi qui touche les oiseaux
             Devant le soir vainqueur !

Et je songeais du feu qui s’éteint dans les temples,
De la saison qui meurt de nouveau dans les bois,
             Et des dieux de la terre
Quand l’harmonie étant accourue à ma voix
Je te noyai, Tristesse, au choc de ses flots amples,
             En chantant ton mystère !

{Nouvelles Élévations poétiques.)