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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/16

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Ils lui rirent au nez, comme on se l’imagine.
 Il fallait voir Orgon, marchant dans sa cuisine,
Regardant, maniant jusqu’aux moindres débris.
Orgon, aimant le vin jusqu’à se mettre gris,
Pour le boire, attendait que la liqueur fût sûre ;
Jamais il n’eut l’esprit de la savourer pure :
On l’a vu gourmander les gens de sa maison,
Pour avoir, selon lui, mangé hors de saison :
« Il est, » leur disait-il, « juste qu’un homme dîne ;
« Mais, manger le matin, c’est mauvaise routine :
« On doit, pour être bien, ne faire qu’un repas ;
« Et manger plusieurs fois, c’est œuvre de goujats. »
 Au visage enfantin, à la voix féminine,
Vous connaissez Ormont, qui si souvent chemine :
Ormont est gentil homme, et même un peu savant ;
Mais il est dominé par l’amour de l’argent :
Du matin jusqu’au soir, cet amour-là le ronge ;
Il pense à l’or, le jour, et, la nuit, il y songe :
Dans ses rêves, souvent, il croit voir des monts d’or,
Et, d’aise tressaillant, ramasser un trésor.
S’il lit, par passe-temps, son Boileau, son Horace,
Il est, chez ces auteurs, deux chapitres qu’il passe.
 Parlant d’un ton dévot, riant d’un air bénin,
À le voir, vous diriez qu’Alidor est un saint :
Cet homme prête au mois, et même à la journée,
Et retire, à coup sûr, cent pour cent par année :

    respectable, dont il s’agit ici, étant étranger aux usages du Canada, pouvait fort bien croire qu’on en usait dans ce pays comme dans celui de sa naissance.