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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/17

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Vous croyez qu’Alidor prête pour s’enrichir ?
Vous êtes dans l’erreur ; c’est pour faire plaisir :
Non, ce n’est pas la soif de l’or qui le tourmente ;
Mais il est d’une humeur tout-à-fait obligeante.
 Un bâton à la main et le corps en avant,
Richegris semble fuir ou voler en marchant :
Quoiqu’il ait cinquante ans, s’il n’en a pas soixante,
Et qu’il possède au moins vingt mille écus de rente,
Il n’est ni vieux ni riche assez pour épouser ;
Il veut encor vieillir, encor thésauriser :
La toilette est coûteuse et la vie est fort chère ;
Si Richegris épouse, il mourra de misère.
  « Eh ! » va dire un plaisant, feignant d’être surpris,
« Apprenez à connaître un peu mieux Richegris ;
« Peignez-le sous un jour un peu plus favorable ;
« N’allez pas dire, au moins, qu’il n’est point charitable ;
« Sachez qu’il a… — Quoi donc ? vêtu.. — Non, mais nourri… —
« Ah ! vraiment, j’oubliais… — Quoi ?.. — Le poisson pourri. »
Une année, en avril, sur la fin du carême,
Parmi les indigens la misère est extrême ;
Plein de compassion, Richegris fait prôner,
Qu’abondamment il a de l’anguille à donner :
Il en donne, en effet ; mais une marmelade,
Où surnagent les vers, rend le mangeur malade,
Qui, pour remercîment, s’adressant au donneur,
Lui prodigue, indigné, le nom d’empoisonneur ;
Et non sans quelque droit. Si depuis lors il donne,
C’est si secrètement, qu’il, n’est vu de personne.
Eh ! qui pourrait blâmer Richegris d’avoir soin
Que de ses charités nul ne soit le témoin ?