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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/21

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Que fera l’homme pauvre ? il n’a pas une obole ;
Il prend le grain du riche, et lui rend sa parole.
En proie à la misère, à la perplexité,
Il sème, en maudissant l’avide dureté
De l’homme qui lui tient le couteau sous la gorge,
Pour un ou deux boisseaux de bled, de seigle ou d’orge.
 Se laisser follement mourir contre son bien ;
Manger le bien d’autrui, pour conserver le sien,
Sont deux cas différents : l’un n’est que ridicule,
Mais l’autre est criminel, et veut de la férule :
L’un fait tort à soi-même, et l’autre à son prochain.
On n’est point scélérat quand on n’est que vilain :
Il faut garder en tout une juste mesure,
Et surtout distinguer l’intérêt de l’usure.
Le vilain est un fou qui fait rire de soi ;
L’usurier, un méchant qui viole la loi.
C’est donc sur ce dernier qu’il faut faire main-basse ;
Jamais cet homme-là ne mérita de grâce,
L’usurier des humains trouble l’ordre et la paix ;
Par lui le pauvre est pauvre et doit l’être à jamais.
Il fut, à mon avis, ménagé par Molière ;[1]
Boileau n’en parle pas d’un ton assez sévère :
Est ce par des bons-mots qu’on corrige ces gens ?
Il leur faut du bâton ou du fouet sur les flancs.
Mais je vois, à son air, que ma muse se fâche ;
Je lui ferme la bouche, et je finis ma tâche,

  1. Le meilleur des poètes comiques : il a surpassé les anciens, et n’a pas encore été égalé par les modernes.L’Avare est une de ses plus belles comédies.