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Ou plutôt, si l’on m’a conté la vérité,
Laissant peu de regrets aux gens de sa cité,
Peu de biens aux enfans de son aimable épouse ;
Épouse, qui de lui jamais ne fut jalouse[1],
Elle avait vingt-cinq ans, quand son mari mourut.
Dès qu’on sut l’homme en terre, on vint, on accourut
Consoler, ranimer, la jeune et belle veuve,
Qu’on croyait succomber sous la terrible épreuve.
Quand on sut que gaîment on pouvait l’aborder,
Chez elle, de partout, les galans d’abonder.
Que fit-elle avec eux ? je ne le saurais dire ;
Et ma muse, entre nous, n’aime point à médire,
Enfin, il en vient un qu’elle veut épouser ;
Mais, pour y parvenir, il lui fallut ruser.
De ses filles, déjà, l’aînée est femme faite,
Est belle, aimable, gaie, enfin, presque parfaite ;
Et la mère avait beau vouloir se l’attacher,
Le galant paraissait vers le tendron pencher :
La plus jeune, à ses yeux, semblait aussi plus belle.
« Que ferai-je ? comment me débarrasser d’elle ?
« Je ne vois qu’un moyen, c’est de la renfermer
« Sous la clef, dans sa chambre, afin d’accoutumer
« Mon amant à me voir et seule et sans ma fille. »
Quand l’amant arrivait, la mère de famille
Avait, auparavant, relégué dans un coin
L’objet de sa visite. Il ne se départ point ;

  1. Parce qu’elle ne l’aimait peint : ce dont je préviens d’avance, de peur que quelque malin n’aille imaginer que je berne ici le mari, pour n’avoir donné aucun sujet de jalousie à sa femme.