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Comme sot en pensers, ignorant en grammaire,
Il est barbare autant qu’il est visionnaire
Et chez les Illinois allant chercher ses mets,
Déroute le lecteur, qui dit : Nescio vos.[1]
Au lieu de disputer, chez lui, l’on se chicane,
Et la fumée, en l’air, se transforme en boucane ;
Un meuble de ménage est appelé butin,
Et jardinages sont les produits d’un jardin.
Je n’aimerais point voir, aux feuilles canadoises,[2]
Des mots trop recherchés, des phrases trop courtoises
Mais je m’indigne à droit, en lisant des écrits,
D’où la langue, le goût, la raison sont proscrits.
Pour croître, entretenir, préserver l’ignorance,
La Paresse produit la triste insouciance :
Cet être, à l’air nigaud, aux regards stupéfaits ;
Du présent, du futur, ne s’occupe jamais.
L’insouciant voit tout, entend tout, sans rien dire,
Et même, d’un bon-mot jamais il n’a su rire :
En tous temps, en tous lieux, il se tient toujours coi,
Et tout ce qu’il sait dire est : « Que m’importe, à moi. »
Il verrait l’incendie aux coins de sa patrie ;
Ou son père, ou sa mère, ou sa femme périe ;
Les villes, les moissons, les vergers embrasés ;
La moitié des humains sous leurs toits écrasés ;

  1. Mot pour mot : Je ne vous connais pas.
  2. Les premiers écrivains français qui ont parlé du Canada disent Canadois, Canadoise, au lieu de Canadien, Canadienne : du moins j’ai trouvé ces mots dans la Géographie de GUILLAUME DELISLE.