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Page:Bibaud - Épîtres, satires, chansons, épigrammes, et autres pièces de vers, 1830.djvu/53

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J’ignore où le danger gît, craintif, je m’arrête ;
Je le suppose ailleurs, follement je m’y jette.
Mais voyons pis encor que la présomption :
L’ignorance produit la superstition ;
Monstre informe, hideux, horrible, détestable ;
Pour l’homme instruit néant, mais être formidable
Pour l’ignorant, surtout, pour notre agriculteur ;
De plus d’un accident inconcevable auteur ;
Cahos, confusion de notions bizarres,
Roulant, s’accumulant dans des cerveaux ignares :
D’où naissent, tour à tour, mille fantômes vains :
Revenans, loups-garous, sylphes, sabbats, lutins ;
Les nécromanciens, les sorts, l’astrologie,
Le pouvoir des esprits, des sorciers, la magie,
Et mille autres erreurs dont le cerveau troublé
Du superstitieux croit le monde peuplé.
Pour le peuple ignorant, l’orage, le tonnerre,
Les tourbillons de vent, les tremblemens de terre,
Tout est miraculeux, tout est surnaturel.
Heureux, encore heureux, si Dieu, si l’Éternel
Est cru l’auteur puissant des effets qu’il admire,
Ou leur cause première ; et si, dans son délire,
Sous les noms de sorcier, d’enchanteur, ou devin,
Il n’attribue à l’homme un pouvoir surhumain :
Le pouvoir de créer le vent et la tempête,
De s’élever en l’air, de se changer en bête ;
De rendre un frais troupeau tout à coup languissant,
Une épouse stérile, un époux, impuissant.