Page:Bibaud - Histoire du Canada sous la domination française, Vol 1, 1837.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le marquis de Montcalm s’était fait estimer et chérir de ses soldats et des Canadiens, surtout de ceux qui avaient combattu sous ses ordres : le chevalier de Levis, d’une sévérité peu ordinaire, d’un zèle quelquefois outré, dut emporter au moins l’estime des derniers ; car il la méritait, par son activité, son courage et son habileté. Il n’en fut pas ainsi du marquis de Vaudreuil ; il partit chargé de plus de haine et de mépris qu’il n’en aurait dû porter, peut-être, si l’on eût voulu être rigoureusement juste à son égard ; car malgré son favoritisme, et ses liaisons avec des hommes dépourvus de tout principe d’honneur et de probité, on ne peut refuser à ce dernier des gouverneurs français du Canada un certain degré de prudence, et cet empire sur soi-même qui permet à l’homme de choisir le meilleur parti, dans les cas à peu près désespérés. Les Canadiens durent le remercier de n’avoir pas voulu accéder à la proposition que lui fit le chevalier de Levis de rompre toute négociation avec le général Amherst ; proposition peut-être pardonnable à un patriote zélé et à un militaire épris de la gloire des armes, tel qu’était le général français, mais on ne peut plus téméraire, dans les conjonctures où se trouvait le Canada. Qui pourrait dire, en effet, quel aurait été le sort des habitans de ce pays et de leur postérité, si Montréal eût été pris d’assaut, ou obligé de se rendre à discrétion ? Ils lui durent encore quelque reconnaissance d’avoir, dans son projet de capitulation, songé à leur assurer tout ce qui pouvait contribuer à leur avantage et à leur bien-être futur. S’il demanda pour nos pères plus que le vainqueur ne pouvait convenablement accorder, ce n’est pas à nous de nous en plaindre, ou de l’en blâmer.