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On l’a vu gourmander les gens de sa maison,
Pour avoir, selon lui, mangé hors de saison :
« Il est, leur disait-il, juste qu’un homme dîne ;
« Mais manger le matin, c’est mauvaise routine :
« On doit, pour être bien, ne faire qu’un repas ;
« Et manger plusieurs fois, c’est œuvre de goujats. »

Au visage enfantin, à la voix féminine,
Vous connaissez Ormont, qui si souvent chemine ;
Ormont est gentilhomme, et même un peu savant,
Mais il est dominé par l’amour de l’argent :
Du matin jusqu’au soir, cet amour-là le ronge ;
Il pense à l’or, le jour, et, la nuit, il y songe :
Dans ses rêves, souvent, il croit voir des monts d’or.
Et, d’aise tressaillant, ramasser un trésor :
S’il lit, par passe temps, son Boileau, son Horace,
Il est, chez ces auteurs, deux chapitres qu’il passe.

Parlant d’un ton dévot, riant d’un air bénin,
À le voir, vous diriez qu’Alidor est un saint :
Cet homme prête au mois, et même à la journée,
Et retire, à coup sûr, cent pour cent par année :
Vous croyez qu’Alidor prête pour s’enrichir ?
Vous êtes dans l’erreur, c’est pour faire plaisir :
Non, ce n’est pas la soif de l’or qui le tourmente ;
Mais il est d’une humeur tout à fait obligeante.

Un bâton à la main et le corps en avant,
Richegris semble fuir ou voler en marchant :
Quoiqu’il ait cinquante ans, s’il n’en a pas soixante,
Et qu’il possède au moins vingt mille écus de rente,
Il n’est ni vieux, ni riche assez pour épouser ;