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LES FIANCÉS DE ST-EUSTACHE

des patriotes, pour lui offrir ses hommages. On marchait en bon ordre ; sur le parcours les fenêtres s’ouvraient, des femmes, des enfants saluaient, avec transport, le passage de la petite troupe ; on sentait que toute une nation était remuée, que de graves événements se préparaient. Des éclairs de joie brillaient dans le regard de ces jeunes gens, animés d’une généreuse indignation, qu’avaient soulevée l’oppression, l’arrogance, l’injustice des fonctionnaires anglais.

Depuis la conquête le peuple canadien français gémissait sous un joug tyrannique ; chaque jour c’était une nouvelle vexation ; les places, les honneurs, les gros traitements étaient uniquement réservés à une indigne fraction, opposée aux droits de la majorité.

Trois quarts de siècle s’étaient ainsi écoulés pour la nation vaincue dans l’endurance des plus révoltantes insultes. Volée, humiliée dans tout ce qu’elle avait de plus cher, par des gens sans honneur comme sans conscience, cette brave petite colonie française, perdue dans le Nouveau-Monde, en était arrivée au paroxysme de l’indignation ; révoltée par les prétentions arbitraires du Conseil Exécutif et du Conseil Législatif, elle avait juré de reconquérir ses prérogatives de citoyens, qu’une certaine classe d’Anglais despotiques, hostiles aux hommes droits et indépendants avaient entrepris de lui