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tenues par des gorgettes sous des doubles mentons, bien nourris, gros et gras. Puis deux petites fillettes ; ma foi, pas mal celles-là. Cette famille, qui semble ou comble du bonheur sur le pont, où le vent furieux tourbillonne en tout sens, est demeurée ainsi exposée tout l’avant-midi, aux fureurs des aquilons, en exceptant cependant les deux enfants : ces petites ne font qu’un rond du pont à l’intérieur du bateau, laissant battre les portes avec un bruit assourdissant, au désespoir des autres voyageurs, j’entends le gémissement de ma voisine de gauche, élégante jeune femme d’une pâleur marmoréenne, un peu neurasthénique, pauvre malade, elle cherche en vain à sommeiller quelques instants sur son fauteuil, craignant l’air condensé de sa cabine ; mais impossible, le bing, bang, bang, se renouvelle toutes les minutes. Tiens, voici la vitre de la porte qui se brise à grands fracas, pour ma part je n’en suis pas fâché, nous allons avoir un peu d’air pur dans le salon, toutes les fenêtres sont closes, il fait une chaleur étouffante ; mais ma voisine, ma pauvre voisine, elle frissonne déjà. Son mari, d’apparence virile, garde, cependant, par amour sans doute, sur ses traits la pâleur de sa femme, s’empresse de lui apporter de moelleuses et chaudes couvertures, dont il l’enveloppe avec un soin jaloux. Il est la perle des maris j’en suis sûr, on voit qu’il s’est fa-