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vous m’embrouillez de telle façon que j’ai terminé votre lettre sans trop comprendre si vous m’encouragiez à répondre ou à garder le silence. Vous commencez par des louanges sur un style qui vous plaît, des idées charmantes d’une femme vous paraissant réellement spirituelle, puis tout à coup, au milieu de cette longue série d’éloges à son endroit, vous me lancez un mais m’arrivant comme une bombe, au milieu d’un plat d’ortolans que je suis en train de manger à belles dents, et que vous dispersez impitoyablement. Ce mais, n’étant pas de ceux que j’avale le mieux, est pour m’apprendre que ma fine mouche pourrait bien n’être qu’un rusé garçon voulant s’amuser à mes dépens.

Edgard, je ne vous le pardonne pas, changer ainsi ma femme en garçon ; ce n’est pas du tout convenable, c’est fort mal de votre part, de tracasser ainsi l’esprit de votre ancien ami, avec une probabilité que je n’admettrai jamais ; car j’y tiens, Mademoiselle Laure est une femme, une véritable femme avec toute la ruse, la finesse de son sexe. D’abord, nous autres, hommes, nous n’avons pas ce tact, nous n’écrivons pas ainsi ; puis je vous le répète, il faut que ce soit une femme.

Je vous vois sourire, sournoisement, dans votre moustache, de mon entêtement. Fat, dites-vous, malgré le scepticisme qu’il affecte,