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des lumières, du sentiment et de toutes les grandes idées, n’était-ce pas une utopie d’espérer la trouver ailleurs ? Cependant poussé par le désir de se sentir compris, il obéit à la force irrésistible qui l’entraînait toujours vers l’inconnu.

Il avait visité déjà le continent européen sans succès, il voyagerait vers le Nouveau-Monde, sol natal des Atala, des Évangeline. Oui, il irait jusqu’en ces terres lointaines. Avant toutefois il verrait l’Afrique ; il voulait étudier toutes les femmes, les blanches, les noires, les jaunes. Trouverait-il plus de noblesse chez les nations sauvages, chez l’être n’étant pas l’esclave des conventions mondaines, nées pour étouffer la droiture des sentiments, rapetisser les natures en les assujettissant à une loi commune, étreignant dans leur âme ces élans spontanés de générosité, de sacrifice, de désintéressement, que l’homme du monde appelle exaltation. La civilisation portée à son paroxisme n’est-ce pas le décivilisation, n’est-ce pas l’engloutissement de toutes les aspirations, l’obstacle au vrai bonheur ? avec ses préjugés, n’est-ce pas le berceau des maux de la société, le berceau de toutes les souffrances, les haines, les jalousies, de toutes les démoralisations humaines ? C’est le rieur éternel qui fait entendre son cynique ricanement devant la naïveté de la vierge émue qui croit encore à la vertu. Ah !