Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des moindres, jouait aussi dans ce procès quelque rôle, et ne suffirait-il pas, pour infirmer l’excès d’une telle thèse, d’opposer à l’héroïque victime le souvenir de son haïssable juge, le Rémois Pierre Cauchon ? À part l’origine familiale de Jouvenel des Ursins, qui préside la première instance de réhabilitation ouverte en 1455, et celle de Jacques Gelu, auteur d’un des mémoires adressés à cette occasion à Charles VII, on ne voit pas bien non plus que le rôle joué par la Champagne dans le procès de réhabilitation, et auquel est cependant réservé tout le chapitre XIII (p. 462-561), ait été si considérable et si prépondérant. Rien n’est certes plus louable, plus fécond en œuvres comme en caractères, que le patriotisme local : il convient cependant de le maintenir dans les limites auxquelles il a droit, et qu’il ne lui convient pas d’outrepasser.

On rentre dans une discussion plus sûre avec la partie consacrée aux événements accomplis dans la région champenoise de 1430 à 1453, depuis la capture de Jeanne d’Arc jusqu’à l’expulsion définitive des Anglais (chap. XII, p. 422-461). Bien que cet exposé n’ait plus de rapport avec la carrière même de la Pucelle, il achève l’histoire de l’invasion en Champagne, de 1420 à 1429, résumée, comme on l’a vu, dans une des parties antérieures de l’ouvrage. On y rencontrera un utile groupement de faits, tous déjà connus sans doute, mais habituellement dispersés dans de multiples études, et dont on ne trouverait pas ailleurs une aussi complète réunion.

La fin de l’ouvrage (chap. XIV, p. 502-535) représente une annexe spéciale, exclusivement réservée à la discussion de l’exacte nationalité provinciale de Jeanne d’Arc, champenoise, barroise ou même absolument lorraine. En 1882, M. l’abbé Georges avait déjà consacré à cette question une étude qui tient sa place dans la liste déjà longue des publications réservées à ce problème historique[1]. Il y ajoute cette fois les contributions nouvelles apportées depuis, dans un sens ou dans l’autre de cette polémique toujours ouverte et qui ne laisse pressentir aucune clôture prochaine.

L’énigme est en effet des plus complexes. On nous pardonnera, à l’occasion du compte-rendu de cet ouvrage, d’élargir le cadre de cette simple analyse et de reprendre la discussion, en nous bornant strictement à l’examen des arguments déjà émis, sans chercher, à aucun prix, à en ajouter d’autres au débat, mais en essayant d’en résumer brièvement les divers et multiples aspects.

En ce point de l’Argonne et de la vallée de la Meuse, pays d’origine et d’attache de la libératrice de la France, le régime féodal avait accu-

  1. Jeanne est-elle Champenoise ou Lorraine ? Mémoire récapitulatif. Troyes, Dufour-Bouquot, 1882, in-8o, 32 p. (Extrait de l’Annuaire du département de l’Aube, année 1882, 2e partie, p. 1-32).