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mulé les complications de territoire les plus bizarres et les plus hétéroclites[1]. Duché de Lorraine, Barrois, comté de Champagne enchevêtraient leurs frontières administratives et naturelles dans la plus inextricable confusion. À la rive droite de la Meuse finissait la Lorraine proprement dite ; le comté de Champagne et, par lui, le royaume de France atteignaient la rive gauche ; quelques lieues plus bas, le comté de Barrois, haussé depuis 1355 au titre de duché, occupait les deux bords, et, entre les deux grands états voisins, multipliait ses pénétrations et ses enclaves. Depuis divers actes passés en 1302[2] et en 1308[3], dans le détail desquels il serait oiseux d’entrer, la partie du Barrois située sur la rive gauche de la Meuse, et notamment la châtellenie de Gondrecourt, relevait du royaume de France, l’autre portion continuant à dépendre du duché de Lorraine. Les deux fractions, possédées par le même souverain, portaient le nom, la première de Barrois Mouvant ou Royal, la seconde de Barrois non Mouvant ou Ducal.

Il n’a jamais été question de placer Domremy dans le Barrois Ducal. La thèse que les partisans de l’origine absolument lorraine de la libératrice de la France se hasardent à avancer se réduit à deux arguments.

Domremy tout entier faisait partie de l’ancien duché de Lorraine-Mosellane, se contente de soutenir, avec une inattaquable modération, M. Léon Germain, et les habitants de la région géographique barroise, tout comme ceux de Metz ou de Nancy, ont droit par tradition acceptée, par expression générale, au nom et à la qualité de Lorrains[4]. Cette opinion serait-elle reconnue comme exacte, — discussion qui outrepasserait singulièrement les limites déjà trop agrandies de cette analyse, — il n’en resterait pas moins avéré que ce débat n’offre qu’un intérêt d’ordre purement rétrospectif ou sentimental.

  1. Une intéressante carte politique de la région, vers cette époque, figure dans l’étude de M. le colonel de Boureulle, qui adopte et résume la thèse de M. Siméon Luce. (Le Pays de Jeanne d’Arc. Saint-Dié, 1890, in-8o, 28 p., avec plan. — Extrait du Bulletin de la Société philomathique vosgienne, 15e année, 1889-1890, p. 227-252.)
  2. Traité de Bruges, en date de l’octave de la Trinité, 1301, et non conclu en 1302, ainsi qu’on le répète généralement. C’est ce qu’a établi M. Chapellier, Étude sur la véritable nationalité de Jeanne d’Arc (première étude), dont l’indication bibliographique exacte est donnée ci-après.
  3. Acte d’avril 1308, publié par M. Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domremy, Preuves, III, p. 4.
  4. Le savant érudit lorrain ne paraît avoir encore exprimé cette opinion dans aucune étude spéciale, mais occasionnellement seulement, à propos du compte-rendu de deux ouvrages consacrés à cette question, par M. le colonel de Boureulle (le Pays de Jeanne d’Arc), et par M. Chapellier (Étude sur Domremy, pays de Jeanne d’Arc). Cette double analyse est contenue dans les Annales de l’Est, t. V, avril 1891, p. 299-304.