Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1895 - tome 56.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lier ne donne jamais à cette date à son héros que le titre d’écuyer[1]. Mais nous avons mieux que le récit d’un trouvère. Une chronique latine inédite, composée à Saint-Denis pendant la première partie du règne de Charles VI, et qui nous donne sur l’histoire de du Guesclin jusqu’à 1364 des renseignements aussi nombreux que précis, présente sur la question qui nous intéresse une concordance frappante avec l’exposé de Cuvelier[2], et termine ainsi le récit du siège de Rennes : « Comes vero Blesensis, audiens que facta fuerant et Bertrannum multis laudibus commendans, eidem concessit custodiam Rupis Deriani et eum accinxit noviter baltheo militari[3]. »

Une circonstance vient encore fortifier la version de ces deux auteurs. Tous deux s’accordent à prétendre que Charles de Blois, en même temps qu’il arma du Guesclin chevalier, lui donna la châtellenie de la Roche-Derrien. Or, plusieurs actes postérieurs nous montrent effectivement du Guesclin exerçant des droits en cette ville, sans qu’il semble possible d’assigner à ces droits d’autre origine que la donation de Charles de Blois. C’est ainsi que, le 25 décembre 1371, Bertrand de Saint-Pern, capitaine du château et de la ville de la Roche-Derrien pour Bertrand du Guesclin, consent que le duc Jean IV y fasse lever par ses officiers les fouages, gabelles et autres subsides accoutumés[4].

Qu’on nous permette enfin de citer un autre témoignage qui a lui aussi son importance, celui de Pierre Le Baud, qui, plus ancien que d’Argentré, a comme lui eu entre les mains de précieux

  1. « Il faut remarquer que Cuvelier, dans le récit de la prise de Fougeray, ne donne jamais à son héros que la qualification d’écuyer » (S. Luce, Histoire de Bertrand du Guesclin, p. 87).
  2. Ces ressemblances entre le poème de Cuvelier et cette chronique qui sera prochainement publiée se répètent en beaucoup d’autres passages ; nous nous proposons d’ailleurs de montrer bientôt que cette chronique a été une des sources dont Cuvelier s’est le plus abondamment servi pour une notable partie de l’histoire du connétable.
  3. Bibl. nat., lat. 5005c, fol. 167 vo. Quant à l’expression de noviter, qui peut sembler bizarre ici, on ne saurait dans tous les cas l’entendre dans le sens : une seconde fois, non seulement parce qu’elle n’a jamais eu ce sens et que notre auteur, qui l’emploie à plusieurs autres reprises, ne le lui donne point, mais encore parce qu’elle laisserait supposer un fait sans exemple et absolument contraire à toutes les lois de la chevalerie.
  4. Inventaire du Trésor des chartes des ducs de Bretagne, en 1579, arm. F, cass. E, no  2. Voir aussi Archives de la Loire-Inférieure, E 183, anc. arm. V, cass. D, no  21, et Bibl. de l’École des chartes, t. VIII, p. 237.