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peuple et de gouverner le royaume comme saint Louis, de prendre l’avis de ses frères Charles[1] et Louis[2], de ne point imiter enfin son exemple en fait d’avarice. Le roi perdit l’usage de la parole le 28 au matin et rendit l’âme le 29, vers la troisième heure[3], suivant les uns, à midi, selon les autres.

Guillaume Baldrich ajoute qu’au moment où Philippe se trouva presque à toute extrémité, Enguerrand de Marigny[4] le supplia d’intercéder pour lui auprès de l’héritier du trône. Mais le monarque se contenta de recommander à celui-ci de ne point léser ce personnage dans ses biens, si l’on arrivait à prouver la fidélité de ses services ; sinon, il le laissait libre de prendre à l’égard d’Enguerrand telle ou telle décision.

Du reste, le roi fut à peine expiré, paraît-il, que le ministre reçut l’ordre de ne point quitter la cour jusqu’à reddition complète de ses comptes et de ne plus se mêler du trésor royal en aucune façon. La chose était assurée par beaucoup de personnes ; Baldrich déclarait, toutefois, ne pouvoir la certifier d’une manière tout à fait positive.

La relation touche ensuite à l’un des points les plus délicats de notre question, à l’origine mystérieuse de la mort de Philippe le Bel. Les historiens[5] de l’époque, en effet, sont fort divisés à ce sujet : les uns[6] parlent d’un accident de cheval en forêt, les autres[7] d’une maladie dont les médecins étaient impuissants à

  1. Comte de Valois.
  2. Comte d’Évreux.
  3. Le moine Yves dit que le souverain demanda pardon aux assistants vers cette heure-là et mourut vers la sixième (Histor. de Fr., t. XXI, p. 208).
  4. L’entretien du roi avec son ministre n’est pas mentionné par les différentes chroniques citées par nous.
  5. M. Lacabane estime que l’on fit courir le bruit d’un accident de chasse survenu à Philippe le Bel dans le but d’atténuer, surtout à l’étranger, la mauvaise impression résultant d’une fin causée par les remords et le chagrin. D’après sa remarque, en effet, les chroniques françaises les plus sûres ne tiennent pas compte de cette rumeur ; celle-ci trouva créance, au contraire, auprès des historiens italiens : les luttes de Philippe le Bel avec la papauté peuvent faire supposer qu’on ait cherché à répandre au loin une version de la mort du roi plus favorable à sa mémoire (Dissertations sur l’hist. de France au XIVe siècle, Bibliothèque de l’École des chartes, années 1841-1842, t. III, p. 5-7).
  6. Cf. la chronique attribuée à Jean Desnouelles (Histor. de Fr., t. XXI, p. 196), la chronique rimée attribuée à Geffroi de Paris (Id., t. XXII, p. 151), les Anciennes Chroniques de Flandre (Id., ibid., p. 401), les Chronographia regum Francorum (Éd. citée, t. I, p. 218).
  7. Cf. le continuateur de Guillaume de Nangis (Histor. de Fr., t. XX, p. 611),