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son titre et son héritage, et les mécontents soutenaient ses prétentions. Au cours de cette lutte, Mahaut fut servie avec beaucoup d’intelligence et de fidélité par Jean Bon-Enfant ; cet homme actif et dévoué fut en correspondance continuelle avec elle, avec le roi, avec divers agents de la couronne ; il entretint même des relations épistolaires avec deux des barons révoltés, les sires de Fiennes et de Renty. Les lettres qu’il a reçues, celles qu’il a écrites et qu’il a conservées sous forme de minutes ou de copies, jettent un jour tout nouveau sur les événements dont l’Artois fut alors le théâtre. Pour arriver à leurs fins, les confédérés, ou, comme ou disait alors, les alliés d’Artois, ne reculaient devant aucune violence ; grâce à l’homme de confiance que la comtesse avait à Saint-Omer, nous sommes au courant de ce qui se passait dans le pays : mesures prises ou à prendre pour mettre en état de défense Saint-Omer et les places fortes de la comtesse, plaintes et excès des gens de guerre, courses et tentatives des confédérés, actes de pillage ou meurtres commis par eux ; c’est un triste mais vivant tableau. Les faits que révèlent les lettres publiées par M. l’abbé Bled complètent de la manière la plus inattendue ce que nous savions déjà sur la lutte de Mahaut contre ses vassaux par les savants livres de M. Paul Lehugeur[1] et de M.  Jules-Marie Richard[2] ; mais la correspondance de Jean Bon-Enfant ne constitue pas seulement une source historique, elle apporte quelques éléments nouveaux à l’une des questions les plus obscures de la diplomatique française.

Vingt lettres closes, dont une dizaine au nom de la comtesse d’Artois, plus de dix copies ou minutes sur papier conservées par Jean Bon-Enfant et pour la plupart écrites de sa main, le tout se rapportant à un même ensemble de faits, voilà des chiffres qui, du premier coup, attirent l’attention, quand on sait combien sont peu nombreuses, pour cette époque, les pièces de correspondance dont les originaux sont parvenus jusqu’à nous. Au xiiie siècle et même pendant la première moitié du xive, il était rare qu’un roi ou un seigneur donnât ordre de conserver dans ses archives les lettres qui lui étaient adressées. Les actes authentiques conférant ou établissant des droits, des revenus, étaient naturellement mis

  1. Paul Lehugeur, Histoire de Philippe le Long. Paris, Hachette, 1897, in-8o.
  2. Jules-Marie Richard, Mahaut, comtesse d’Artois et de Bourgogne. Paris, Champion, 1887, in-8o.