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à l’abri de la destruction ; il n’en était pas de même des lettres missives ; quel qu’en fût l’intérêt, lorsque les affaires dont elles traitaient étaient terminées, peu de gens songeaient à s’en encombrer. Il est probable que, dans beaucoup d’endroits, on a procédé à leur destruction, soit par indifférence, soit même par mesure d’ordre. On ne peut expliquer autrement la disparition de lettres qui ont dû se compter par dizaines et par vingtaines de milliers. À cet égard, les rois de France et beaucoup de leurs vassaux n’avaient guère le goût de la conservation. Il n’en était pas de même, à la vérité, dans certains pays voisins du nôtre et dans certains fiefs français.

En Angleterre, les Plantagenets, qui faisaient transcrire par ordre chronologique, sur des rouleaux spéciaux, leurs lettres closes (rotuli litterarum clausarum), avaient soin de conserver dans leurs archives les lettres qui leur étaient écrites, soit par leurs agents, soit par des princes étrangers. Ils ont formé ainsi une collection historique dont la valeur est hors de pair ; qu’on se rappelle seulement les travaux entrepris sur ce fonds magnifique par Bréquigny, puis par M. Champollion-Figeac[1], les Royal and other historical letters de M. Shirley[2], et surtout les dissertations encore toutes récentes, mais si justement estimées, de M. Ch.-V. Langlois[3] ; quelques-uns des documents dont il nous a signalé l’existence nous donnent lieu de regretter amèrement que les rois de France n’aient pas suivi, sous ce rapport, l’exemple donné par leurs grands adversaires.

Nos voisins du Sud, les rois d’Aragon, avaient, eux aussi, pour principe de garder au moins une partie des missives ou des mémoires relatifs à leur politique extérieure. Plus se multiplient les recherches et les découvertes faites à Barcelone dans les archives de la couronne d’Aragon, plus on est heureux de reconnaître la place qu’y occupent ces sortes de documents ; je n’en veux pour preuve que le livre dans lequel le professeur Henri

  1. Lettres des rois, reines, etc., tirées des archives de Londres par Bréquigny et publiées par J.-J. Champollion-Figeac, 1839-1847, 2 vol. in-4o. (Collection de documents inédits.)
  2. Royal and other historical letters illustrative of the reign of Henry III, par le Rev. W. W. Shirley, 1862-1866, 2 vol. in-8o. (Rerum Britannicarum Medii Ævi scriptores.)
  3. Journal des Savants, 1904, p. 380-393 et 446-453 : le Fonds de l’« Ancient Correspondence » au « Public Record Office » de Londres, par Ch.-V. Langlois.