Aller au contenu

Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1906 - tome 67.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

horgne a raison de lui reprocher de n’être pas plus critique et de n’avoir pas apporté plus de pièces nouvelles. Sans doute, Denis Simon ne put pénétrer dans les archives ecclésiastiques, mais celles de la ville qu’il administra étaient pour lui grandes ouvertes, et il aurait pu y puiser davantage.


L.-H. L.


Marquis de Ségur. Julie de Lespinasse. Paris, Calmann-Lévy, 1906. In-8o.


Si l’on devait n’en juger que par la place qu’elle a tenue dans le monde, par l’influence qu’elle a eue sur les hommes, sur les idées ou sur les événements de son temps, Mlle de Lespinasse ne mériterait peut-être pas les honneurs du gros in-octavo que vient de lui consacrer M. le marquis de Ségur. Un pareil monument eût effarouché le sentiment des convenances et de la mesure qu’elle avait à un si haut degré pour les choses de l’esprit, et la plupart de ses amis eussent pu joindre leurs protestations aux siennes. Mais Mlle de Lespinasse ignorait elle-même une partie de son mérite ; et, lorsque la première édition de ses lettres vint le révéler dans toute sa plénitude et sous tous ses aspects, de tous ceux qui croyaient l’avoir bien connue les rares survivants ne furent pas les derniers à s’en étonner.

C’est qu’il y a, en effet, deux femmes dans Julie de Lespinasse, deux femmes dont il semble bien que l’une devait exclure l’autre. Il y a d’abord la femme de son siècle et de son milieu, qui partagea tous les préjugés intellectuels et moraux de la société du temps ; qui tint bureau d’esprit ; chez qui se rencontrèrent philosophes et gens de lettres, de robe ou d’épée, étrangers de marque, savants, politiques, en un mot, tous ceux qui, à un titre quelconque, pourvu qu’il fût de bon aloi, fixaient l’attention publique. Qu’une femme sans naissance, sans beauté, sans condition ni fortune fût parvenue à attirer ainsi, durant de longues années, tout ce que Paris, la France et une grande partie de l’Europe offraient alors de personnages éminents, c’est déjà là sans doute un phénomène assez peu ordinaire ; à tout le moins, c’était un problème bien propre à éveiller la curiosité de l’historien de Mme Geoffrin. M. le marquis de Ségur s’est attaché à résoudre ce problème, et je crois qu’il a eu plus de plaisir que de peine à en trouver la solution. Julie de Lespinasse, dit-il excellemment, était « une créature exquise, originale, d’une forte prise sur tous ceux qui vécurent près d’elle, une séductrice incomparable, une parfaite maîtresse de maison, une amie chaude et dévouée, enfin une conseillère discrète, pleine de sagesse et de circonspection. » Mais de combien de femmes, même au XVIIIe siècle, ne pourrait-on pas en dire autant et davantage ? Combien lui furent égales ou supérieures par les qualités, — dirais-je aussi les