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Page:Bibliothèque de l’École des chartes - 1906 - tome 67.djvu/120

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crée au XVIIIe siècle a été comme infestée de ce virus ; rappelez-vous les livres d’histoire des frères de Goncourt et de leur école. M. de Ségur est de ceux qui auront eu le mérite de réagir contre le fléau. Assise sur un fond solide de documents, sa composition est comme portée par eux, tout naturellement, sans effort et sans artifice. Il parle une langue sobre, simple et discrète, en homme persuadé que, pour faire entendre « le plus fort battement de cœur du siècle », il n’a pas besoin de battre lui-même la grosse caisse. Peut-être le trouvera-t-on plus indifférent, plus impassible qu’il n’eût fallu devant les mœurs parfois assez vilaines qu’il a eu à décrire ; il les enregistre sans commentaire, comme un huissier qui dresse un constat. Cette réserve faite, — et elle était à faire, — le plus souvent, je le répète, il s’efface derrière ses personnages, c’est eux qu’il met en évidence, et si l’intérêt qu’ils éveillent d’abord en nous se change graduellement en émotion ; si cette émotion gagne de page en page en intensité, elle sort des entrailles du sujet et non de la plume de l’auteur. C’est là de l’art, c’est même le seul art véritable ; c’en est aussi la probité.


Eugène Welvert.


Le dit de la Vie de saint Antoine de Pade, texte du XVe siècle, publié par le P. Ubald d’Alençon. (Archives franciscaines, no 2, fasc. 1) Paris, Picard, 1904. In-8o.


Ce texte, auquel le ms. (Bibl. nat., fr. 5036, fol. 117-125) ne donne aucun titre, n’apporte pas d’éléments nouveaux pour l’histoire du célèbre thaumaturge ou de son culte, car il n’est autre chose qu’une traduction, en dialecte du nord de la France, de la Vita auctore anonymo valde antiqua, publiée par les Bollandistes. Il y a cependant quelques légères différences que l’éditeur croit devoir attribuer à des divergences entre les textes latins plutôt qu’à des fautes du traducteur : cependant, nous avons quelque raison de nous défier de l’exactitude et de l’habileté de ce dernier, quand nous le voyons, par exemple, donner le nom d’« Ostience » à un personnage qualifié dans le texte original « cardinalis Ostiensis ». Une courte et bonne introduction indique les rapports existant entre la Vita antiqua et la traduction française. L’annotation est sobre, comme il convient ; peut-être cependant n’était-il pas nécessaire d’indiquer le sens des vocables « engin » et « cure » (p. 21) ; quant au mot « collation », il ne peut avoir ici (v. 179, cf. p. 20, n. 1) ni le sens de « cérémonie liturgique conférant les ordres », ni celui de « repos », mais bien celui de « discours », de « lecture », et l’on sait qu’à l’origine la collatio désignait la lecture du soir dans les monastères bénédictins, parce que cette lecture était le plus généralement tirée des célèbres Collationes de Cassien.


André Lesort.