Page:Binet - Féré - Le magnétisme animal.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
HISTORIQUE. — MESMER

L’engouement produit par le traitement de Mesmer ne tarda pas à se généraliser. La maison de la place Vendôme devint trop petite. Mesmer acheta l’hôtel Bullion, place de la Bourse, où il installa quatre baquets, dont un gratuit pour les pauvres. Ce dernier ne suffisant pas, Mesmer s’en alla magnétiser un arbre à l’extrémité de la rue de Bondy, et l’on vit des milliers de malades s’y attacher avec des cordes, dans l’espoir d’une guérison.

Mais cette vogue devait bientôt cesser, et des difficultés de toutes sortes assaillirent Mesmer. Dès son arrivée à Paris, il avait demandé a l’Académie des sciences, et ensuite à la Société royale de médecine une enquête sur ses expériences ; on ne parvint pas à se mettre d’accord sur les conditions de cette enquête, et on se sépara avec aigreur. Deslon, professeur de la Faculté de médecine, demanda à ses collègues une assemblée générale pour y rendre compte des observations qu’il avait faites et des propositions de Mesmer. L’assemblée, excitée par M. de Vauzesmes, lui fut singulièrement hostile. On le condamna sans examen des faits ; bien plus, on le frappa d’une peine disciplinaire, en le menaçant de le radier du tableau des médecins de la faculté, au bout de l’année, s’il ne se corrigeait pas. Sur ces entrefaites, Mesmer quitta la France, malgré les instances du gouvernement qui lui offrit une pension viagère de vingt mille livres pour le retenir ; son absence fut courte ; il fut rappelé bientôt après par ses disciples qui, connaissant la cupidité de leur maître, ouvrirent une souscription de dix mille louis pour le déterminer à faire un cours où il dévoilerait ses découvertes. Mais ce cours fut le point de départ de divisions entre le maître et les disciples. Ces derniers, ayant acheté à prix d’argent son secret, se croyaient le droit de le répandre dans des cours publics. Mesmer prétendait conserver le monopole de sa découverte. D’ailleurs, malgré ses promesses, il ne s’était jamais complètement expliqué, sans doute parce qu’il n’avait rien à dire ; il n’avait rien ajouté de précis aux vingt-sept propositions publiées en 1779. Plusieurs des élèves qui avaient acheté fort cher le secret de Mesmer lui reprochèrent que la théorie qu’on leur avait débitée avec emphase était un assemblage de principes obscurs ; en vérité, ils n’avaient pas tort. Un des auditeurs de Deslon disait « Ceux qui savent le secret en doutent plus que ceux qui l’ignorent. » Ce fut le temps des luttes, des dissensions, des épigrammes, des diatribes, des vaudevilles et des chansons.