Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/18

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ces influences ; il est clair que la manière dont Marguerite décrit un objet qu’on lui montre pourrait se modifier si elle jetait un coup d’œil sur une description écrite par sa sœur. C’est même pour ce test de description qu’on doit le plus redouter l’influence de l’imitation.

Aussi, ai-je toujours, ou presque toujours, fait la première épreuve successivement, et, sans aucun intervalle de temps, sur les deux jeunes filles, et par conséquent, elles y arrivaient sans idée préconçue. Au reste, je me demande comment elles auraient pu échanger des confidences sur leur manière de faire des associations d’idées ; il leur aurait fallu prendre conscience de leur type intellectuel ; cela me paraît assez difficile. Voici pourquoi.

Ce n’est que très tard que je me suis aperçu que les deux fillettes appartiennent à des types très différents, et que ces deux types sont assez accusés pour mériter chacun un nom. Ainsi que nous le verrons peu à peu, Marguerite représente assez bien le type observateur, et Armande le type imaginatif ; mais je n’avais nullement songé à ces épithètes, encore moins forgé une théorie avant de commencer ces recherches.


II


Pour savoir au juste comment se forme la pensée d’une personne, ne serait-il pas très simple de laisser cette personne penser en liberté, puis de lui demander la notation par écrit de toutes les pensées qui lui sont venues et de l’ordre dans lequel elles se sont succédé ? Séduit par la simplicité de cette expérience, je l’ai essayée plusieurs fois avec les deux fillettes. Je leur demandais de fermer les yeux pendant quelques minutes, de se laisser aller au cours naturel de leurs idées, sans fixer intentionnellement leur attention sur un objet en particulier, puis de décrire par