Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/267

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adultes apprennent des pièces de vers, les premiers en gardent le souvenir plus longtemps ; c’est donc la preuve indéniable qu’ils ont une mémoire meilleure[1]. J’étais donc parvenu, par la seule force de ces expériences, à l’idée qu’il est nécessaire, dans toute mesure de mémoire individuelle, de faire la part entre ce qui appartient à la mémoire et ce qui relève de l’attention. Puis, en creusant cette idée, je m’aperçus qu’il était facile de lui donner une application pratique ; il suffisait pour cela de doser l’intérêt que l’expérience offrait au sujet. S’agissait-il de mesurer l’attention, il fallait que les éléments à retenir fussent dénués de tout intérêt, puisque l’attention suppose un effort dans le sens de la plus grande résistance. S’agissait-il au contraire de mesurer la mémoire, il fallait rendre l’expérience intéressante, pour réduire au minimum l’effort d’attention. Les recherches qu’on va lire confirmeront le bien-fondé de cette distinction ; ces recherches ont été faites bien avant que j’arrivasse à cette vue d’ensemble ; je puis dire que maintenant toutes les contradictions passées sont expliquées, et tout me paraît clair, logique.

Je vais reproduire les expériences dans l’ordre où je les ai faites ; de temps en temps, à titre de curiosité, je ferai suivre le compte-rendu par l’interprétation qui m’avait d’abord paru la meilleure, pour qu’on puisse suivre au jour le jour le travail qui s’est fait dans mon esprit.

J’ai dit, dans les lignes précédentes, que le test sur la recherche des mots, exposé dans le chapitre II, semblait indiquer que Marguerite a une meilleure mémoire qu’Armande. Cette constatation m’étonna.

Jusque dans ces derniers temps, quoique je sois leur professeur depuis dix ans et davantage, je n’avais pas remarqué entre elles une inégalité de mémoire : consta-

  1. Larguier, Année psychol., VIII, p.185. Conf. Biervliet, Mémoire, p.117.