Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/77

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« révolte — révoltant » — « bec — becquette » ; — « danser — sauter » ; un autre répète le mot qu’on lui donne, sans le modifier, ou en le modifiant extrêmement peu ; d’autres, plus nombreux, me servent une phrase complète, qui a les allures d’une définition scientifique venant en droite ligne des livres de classe : « couleuvre — serpent inoffensif » ; « danser — sauter en cadence » ; « fenêtre — ouverture vitrée par laquelle on reçoit la lumière » ; « bec — bouche des oiseaux ». Un élève naïf me donne des définitions enfantines : « bec — c’est pour picoter » — « outil — pour faire de l’ouvrage »[1]. D’autres enfin font des phrases complexes, contenant des souvenirs personnels.

Bien que j’aie consacré plusieurs semaines à des expériences de ce genre, je ne les ai pas suffisamment analysées pour pouvoir en tirer un bon parti ; ce sont des documents qui sont restés trop superficiels, parce que je ne connaissais pas suffisamment les enfants ; j’ai remarqué seulement que des réponses très différentes comme forme pouvaient correspondre à des états mentaux assez semblables ; ainsi, quand certains enfants donnaient des définitions scientifiques, si on leur demandait ensuite à quoi ils avaient pensé, ils citaient parfois des souvenirs personnels. On voit donc que la première réponse, prise à la lettre, aurait donné lieu à des interprétations inexactes.

Je n’insiste pas davantage, et j’aborde les expériences faites avec les deux fillettes ; elles sont incomparablement meilleures, tout simplement parce que je les ai mieux étudiées. Indiquons d’abord comment les fillettes ont compris l’expérience. Je leur donnais un mot quelconque ; elles n’ont jamais cherché, comme les enfants d’école, à fournir une réponse verbale ; après avoir attendu un moment, elles commençaient à m’expliquer ce qu’elles avaient pensé. L’objet de leur pensée était la signification même

  1. Ce sont ces définitions qu’on obtient des petits enfants quand on leur donne des noms d’objets et qu’on leur demande « qu’est-ce que c’est ? »