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COMMENTAIRE HISTORIQUE

extremum actum egerit paucis accipite : qui hoc sexto Cal. Mart. divinitus a caelo delapsus erat, idem sexto Cal. Jan. hinc illuc assumptus beatorum numerum auxit, quàm sanctè et religiosè, indicio erunt ejusdem oloris voces… » (Laud. fun., II, in fine). Peut-être faut-il voir là l’origine de l’erreur de Binet ; il a cédé comme eux au plaisir de faire un rapprochement plus ou moins spirituel, sans souci de l’exactitude historique ; mais sa fantaisie a dépassé la leur.

Colletet l’a relevée le premier en ces termes : « Je sçay bien que la reflexion qu’il faict là-dessus est exacte, lorsqu’il dict que l’on pouvoit doubter si en mesme temps la France par la captivité malheureuse de ce grand prince eust un plus grand dommage, ou un plus grand bien par l’heureuse naissance de ce grand poëte. Mais, pour faire valoir un bon mot, il n’est point à propos de tomber dans des contradictions ny de choquer la vérité de l’histoire, et sa pensée après tout n’eust pas laissé de subsister, quand il eust rapporté seulement à l’année ce qu’il voulut trop ponctuellement rapporter au jour ». (Vie de Rons., p. 19) Bayle écrit de son côté, après avoir cité le passage de De Thou (v. ci-dessus, p. 68, l. 6 et suiv.) : « Remarquez que M. de Thou ne met pas à un même jour la naissance de ce poète et la bataille de Pavie ; il ne les met qu’à la même année. Mais Cl. Binet ne trouvant point là un assez beau jeu, ni assez de merveilleux, assure que ces deux choses arrivèrent le même jour. » (Dictionn., loc. cit., note B.)

P. 5, l. 1. — expres. Ronsard n’a jamais parlé de ce précepteur privé. Binet est le seul à le mentionner au xvie siècle. Son seul témoignage a guidé tous les biographes postérieurs, entre autres Colletet, qui donne au dit précepteur le banal qualificatif de « savant ». En admettant son existence, qui est du moins vraisemblable, peut-on déterminer sa personne ?

Pour L. Froger (Ann. Fléch. de mars 1906, art. cit., p. 84, note 3 ; Province du Maine, n° de janv. 1907, pp. 17-19), ce premier maître du poète aurait été son oncle Jehan de Ronsart (protonotaire du Saint-Siège dès 1504, puis curé de Bessé-sur-Braye, chanoine du Mans, archidiacre de Laval, vicaire général du cardinal évêque du Mans, Louis de Bourbon), mort en 1535, auquel il a consacré une épitaphe de deux strophes dans son Bocage de 1554 (M.-L., VI, 364), et qui, d’après J. Velliard, était un excellent humaniste (v. ci-après aux mots « page avec Ronsard »). V. encore sur ce personnage Rev. hist. du Maine, tome XV, 1884, art. cit., p. 98. M. Hallopeau, propriétaire actuel de la Possonnière, a retrouvé son blason parmi les écussons qui étaient peints sur les murs de la salle à manger (Ann. Fléch. de déc 1904, p. 313, note 2, et le Bas-Vendômois, pp 87, 97, 183). — Il est évident que les termes dont se sert ici Binet ne peuvent pas lui convenir.

Je serais plutôt porté à voir en ce premier maître de Ronsard Guy Peccate (en latin Pacatus), qui, religieux profès en févr. 1528, devint prieur de Sougé-sur-Loir (près de Couture, à trois kilom. de la Possonniere) et curé de Spay. Il devait avoir environ quinze ans de plus que le poëte ; il mourut en juillet 1580 (Cf. Biblioth. du Mans, Ms. 96, f° 32, r° ; Piolin, Hist. de l’Église du Mans, tome V, p. 518 ; La Croix du Maine, Bibl. Fr.). C’est à lui que Ronsard a dédié l’ode